La rupture amoureuse, à tout âge, représente un moment particulièrement source de repères qui se perdent et se confondent. Même si toute rupture est dépendante de l'individu qui l'expérimente, et qu'aucune trajectoire n'est commune, cet article tente de décrire les différents cheminements pouvant conduire à un nouvel équilibre, et un éventuel mieux être.
Les phases classiques de la rupture amoureuse
Le choc serait la première étape de la rupture amoureuse, notamment pour le partenaire qui n'est pas à l'origine de la décision. Évidemment, en fonction de l'état de la relation, le choc peut être moins prononcé. Pour la personne qui a pris la décision de la fin du couple, le choc peut avoir lieu dans les moments de réflexion précédent l'annonce, avec une conscientisation de ce qui sera perdu lorsque la relation se terminera. Quoi qu'il en soit, le choc est très communément une étape complexe car cela semble être un moment de fracture dans le quotidien, où l'on ne pense pas spécifiquement rebondir (refaire sa vie sans l'autre, rencontrer quelqu'un d'autre, pouvoir faire confiance à nouveau, payer les factures et gérer le quotidien seul,...). Pour certains, cette phase de choc amenée par la rupture conduit à des actes parfois extrêmes car ne voyant pas d'issue pour s'en sortir (faire une tentative de suicide, violenter l'ex partenaire,...).
Après le choc viendrait le déni, qui donne l'impression de vivre un cauchemar, que la situation est irréelle. Un besoin de temps est alors nécessaire pour prendre conscience de la rupture, sans tentative de récupérer l'autre. A ce moment-là, des situations de chantage, de promesses si le couple reprend,...peuvent advenir, dans une tentative de rendre la rupture illusoire. C'est également le moment où les ex-partenaires peuvent éventuellement se promettre de se retrouver, à un autre moment de leur parcours, cela permettant de diminuer la souffrance ressentie momentanément.
La colère adviendrait suite au déni, car les rancœurs apparaissent envers l'ancien partenaire et les raisons ayant conduit à la rupture. La colère peut également survenir dans les relations avec les proches, qui utilisent parfois des phrases dérisoires ("ce n'était pas quelqu'un pour toi", "on a toujours su que ça se finirait un jour, c'est pour un mieux à ce stade...", "une de perdue, 10 de retrouvées !", "imagine si vous aviez construit une vie ensemble !",...) ; la colère peut également être présente lorsque l'on voit des couples amoureux ou qui continuent les étapes que nous aurions aimé accomplir avec notre partenaire, si la relation avait pu durer.
La dévalorisation peut advenir par la suite, avec un grand sentiment d'abattement, durant lequel on ne ressent plus d'envie pour rien, on se sent incapable de tout, et dépassé par le quotidien. Cette étape n'est normalement que transitoire, mais certaines personnes peuvent véritablement ressentir un abattement, tel qu'il devient alors indispensable de consulter un professionnel de santé mentale.
Par la suite, le sevrage peut advenir, et redonner un petit peu d'espoir envers l'avenir. A ce stade, il devient de plus en plus aisé de se faire à l'absence de la relation et de l'autre. Moins de manques sont ressentis dans le quotidien, et les pensées liées à la rupture deviennent moins présentes. Cette étape est parfois très compliquée à envisager pour les personnes qui ont peu de tissu social, et qui avaient construit leur quotidien autour de leur partenaire ; à ce moment-là, la solitude faisant peur par essence, devient beaucoup plus invalidante. Réapprendre à vivre différemment peut donc être plus ou moins compliqué et revêtir un véritable challenge. A ce moment là, il n'est pas rare de se refaire le scénario de la relation de couple et ainsi se demander « et si, j'avais fais ça ?... » « j'aurai dû faire comme cela... », « il aurait fallu que je sois moins... et plus... »,... Si cela est constructif, on peut aller vers une introspection permettant une mise à distance de la rupture; par contre, si cela est exclusivement à charge de soi-même, la dévalorisation peut donc continuer avec une grande crise identitaire.
Si le sevrage se déroule bien, l'acceptation peut alors advenir. A ce stade, on peut admettre que la relation est finie, et aucun marchandage quant à la possibilité que la relation se relance n'arrive. La rupture ne fait plus souffrir et une prise de recul est possible face à l'ex-partenaire. Finalement, la personne apprend à se réaligner avec soi-même et à lâcher-prise.
Après l'acceptation vient la reconstruction. A ce stade, une revalorisation de soi est réellement possible, et le monde est moins appréhendé par le spectre de l'ancien couple. On se plaît à imaginer une éventuelle future relation, ou du moins, on la croit possible et on fait le point sur ce qui est important pour nous, mais aussi sur nos manières d'aimer et nos besoins relationnels. La vie reprend alors son cours avec un sens et un goût particulier, car l'estime de soi a pu être reboostée. Cette phase est particulièrement importante car elle va permettre de reconstruire les fondations de soi-même, et d'une relation avec autrui, qu'elle soit amoureuse ou non.
La dernière étape est la libération, celle qui permet véritablement et avec des actions concrètes, de partir à la rencontre d'autrui, pour une éventuelle nouvelle relation amoureuse. Les souffrances de la rupture ne sont pas toutes effacées, mais elles sont néanmoins guéries, et un mieux être se profile réellement. A ce stade, de petits moments de doute ou d'anxiété peuvent advenir, mais ils sont contrebalancé par l'excitation d'envisager un jour nouveau.
La rupture amoureuse, ce n'est pas que dans la tête
La rupture amoureuse peut également se montrer par le biais du corps. En effet, ce dernier n'est souvent pas en reste et au-delà des symptômes classiques liés à une séparation, des troubles spécifiques peuvent advenir : de l'anxiété généralisée, des attaques de panique, des troubles du sommeil, des difficultés pour s'alimenter, des conduites addictives,...
Au Japon, on parle ainsi souvent du takotsubo, le syndrome du cœur brisé. Malgré que ce soit un symptôme peu répandu, et que ces dernières années, il soit exprimé au-delà du champ de la rupture, il éclaire sur le lien entre séparation et physiologie car les patients qui le présentent pensent réellement avoir un trouble cardiaque. Les symptômes exprimés, les tests sanguins et électrocardiogrammes montrent une symptomatologie similaire à celle des patients présentant un infarctus du myocarde, mais les artères travaillent pourtant bien. Heureusement, ce dysfonctionnement cardiaque disparaît après quelques semaines, et serait uniquement causé par le choc...
Ce qui peut par contre aider à cheminer au niveau de ses ressentis physiques et psychiques, c'est d'accepter de souffrir, de manière transitoire car cela reste malheureusement un passage obligatoire dans toute séparation. Évidemment, chacun va vivre différent ce processus de deuil de la relation, et le maitre mot est de s'écouter, sans se juger. En effet, certains ne vont pas vivre toutes les étapes précédemment décrites, sans que cela ne soit problématique. Par contre, dans la majeure partie des cas, le fait d'opérer une réelle coupure avec la relation, notamment en n'ayant plus accès à l'autre sur les réseaux sociaux, en enlevant les photos de son téléphone, en n'ayant plus de contact,... permet de prendre du temps pour soi, et de faire face au vide. En effet, des techniques telles que se remplir par de gros horaires au travail, des relations d'un soir, des consommations de substances, des sorties,... ne sont pas de bonnes techniques si elles sont réalisées afin de ne pas penser ; car tôt ou tard, la réalité se rappellera à vous.
Un point sur les relations amoureuses post-covid
Les journaux et magazines en tout genre ne font que rappeler que bon nombre de couples se séparent et que le divorce se profile à l'horizon, raison potentielle pour laquelle moins de personnes se mariraient aujourd'hui. En effet, 4 mariages sur 10 se solderaient par un divorce. Comment expliquer cela ?
Une première cause réside dans l'ère post-covid. En effet, durant les confinements successifs, les couples se sont retrouvés à la maison, de force et de gré, ce qui a conduit parfois à faire émerger des difficultés de cohabitation, pour des jeunes couples mais aussi des couples de longue durée qui n'étaient pas habitués à ne pas avoir accès à une distance dans le quotidien. L'arrêt momentané de la vie habituelle a également permis de faire le point sur ses aspirations, dans différentes sphères de vie, dont le couple. Ce bilan global ayant conduit certains couples et certaines familles à un besoin de rupture, pour le bien de soi et/ou de tous.
Une seconde cause réside également dans la société rapide actuelle. En effet, à l'image des applications de rencontre et des réseaux sociaux qui permettent de « swipper » ou de « nexter » en quelques secondes, il est parfois plus aisé d'envisager la fin de son couple plutôt que de tenter de rétablir un équilibre, et de faire un travail de co-construction pour renforcer le couple. On peut même reprendre, dans ce sens, un concept bien connu du sociologue Zygmunt Baumon : « l'amour liquide » reprenant l'idée que la nouveauté, la liberté et la passion sont plus recherchés que la stabilité des relations. Cette stabilité étant recherchée par certains, mais mise en branle au moment où il est parfois plus simple de quitter le couple rencontrant une difficulté ou une phase de crise que de travailler activement et ensemble sur cette problématique.
Une troisième cause, liée en partie à la première, c'est l'idéalisation du couple . Pour beaucoup, un couple doit être une évidence, où tout est rose et sans embûche. Pourtant, la réalité est toute autre, car malgré les très bons moments, des moments plus compliqués sont à vivre également, à l'image des autres sphères de vie. Cela peut sembler insoutenable pour certains qui ne comprennent pas cette vision, encore plus dans une ère où l'on parle de se sentir aligné en toutes circonstances, et d'être une meilleure version de soi-même. Etre une meilleure version de soi-même, c'est finalement aller bien, et quand ça ne va pas, être une sorte de coach afin de s'aider à grandir. Le problème, c'est que dans l'idéalisation d'un couple parfait, le couple va fonctionner car chacun donne le meilleur de lui, dans les faits, chacun ne donne que ce qu'il souhaite, et n'évoluera pas s'il ne le souhaite pas... Ce qui est bien loin d'une vision glamour et d'une progression linéaire au sein d'un couple.
En guise de conclusion...
Cet article visait à dresser le portrait de ce qui cause une perte de repères et un sentiment d'ébranlement dans une rupture amoureuse. Bien sûr, c'est un portrait théorique, qui pose des balises mais n'est pas une vérité absolue pour tous. Par contre, ce qui est intéressant pour les couples en crise ou en rupture (et même pour les couples qui vont bien !), c'est de se questionner à propos des prismes et de l'imaginaire entourant la relation amoureuse. Tout cela pouvant être accompagné par un thérapeute, lors d'une thérapie de courte durée.
A bientôt au cabinet, Coleen Godart
Comments