De plus en plus de demandes d’accompagnement psychologique visent les enfants et adolescents à haut potentiel intellectuel. Mais comment accompagner ces profils dits atypiques, et à quels signaux s’identifier ?
Des signes précurseurs
Des signes précurseurs permettent d’identifier un décalage entre l’enfant ou adolescent et le monde qui l’entoure. En effet, dès son plus jeune âge, des enfants qui observent le monde en donnant l’impression de le scanner, la possibilité de s’asseoir et de tenir sa tête avec tonus avant les bornes développementales habituelles, une acquisition du langage syntaxique sans passer par le « parler bébé », une aisance verbale particulière, des questionnements récurrents, des comportements d’opposition par volonté de se débrouiller seul, la remise en question des règles si elles ne sont pas comprises,… sont tous des indices précoces permettant d’amener l’hypothèse d’un décalage. D’autres particularités comme des troubles du sommeil et notamment de l’endormissement, la multiplication de centres d’intérêt et d’activités, une anxiété accrue dû à une extrême lucidité, des difficultés d’empathie envers autrui,… sont d’autres indicateurs pouvant mettre la puce à l’oreille des parents et de l'entourage proche.
Malgré tout cela, aucun de ces symptômes seul ne peut conduire à diagnostiquer avec assurance un enfant. En effet, seuls des tests neuropsychologiques permettent un diagnostic clair, mais ce n’est pas une étape obligatoire. Je le rappelle souvent en consultation, obtenir un diagnostic peut permettre une compréhension de ses particularités et de son quotidien. Toutefois, c’est aussi une étiquette parfois lourde à porter, qui peut conduire les jeunes à se sentir encore plus en marge des autres personnes de son âge, et à utiliser parfois ce diagnostic comme une condition de son développement, sans tenter de s’en extraire ni même d’améliorer certaines difficultés rencontrées dans le quotidien. Il est aussi parfois possible que l’enfant soit stigmatisé par sa famille et ou sa fratrie, pas obligatoirement dans un but néfaste, mais parfois dans un objectif de souligner les particularités intéressantes de sa condition, ce qui ne conduit pas toujours à une vision et une construction positive de soi, notamment à l'adolescence.
L’image de l’enfant HPI
L’image communément répandue de l’enfant à haut potentiel intellectuel est un enfant surdoué, qui réussit extrêmement bien dans son cursus scolaire et professionnel, et qui brille de part un intellect très grand. Cette image conduisant régulièrement à souhaiter un diagnostic de son enfant car il est parfois tentant de considérer que son enfant est « au-dessus » des courbes habituelles et « plus intelligent » que les autres. En effet, si l'on se positionne sur la définition du HPI, cette dernière exprime qu’il s’agit d’une personne ayant un quotient intellectuel supérieur ou égal à 130 ; ce qui représente 2% de la population générale (ceci étant montré dans la courbe de Gauss ci-dessous). On peut donc imaginer que les décalages développementaux permettent des capacités cognitives extraordinaires, mais c’est finalement très différent dans les faits. On a pour habitude, en tant que professionnel de parler de dys-synchronie développementale dans les profils HPI car un développement cognitif accéléré est présent, sans être généralisable à toutes les capacités non prises en compte dans les tests cognitifs, ou les mesurant relativement peu. Cela explique donc que les profils HPI sont relativement hétérogènes, et que des difficultés très différentes peuvent également advenir, sans lien direct avec le nombre montré par le quotient intellectuel. En effet, on distingue les zones de haute potentialité, des faiblesses relatives, et ces dernières sont de manière couplées, bien plus intéressantes car elles permettent de toucher au plus près à la réalité de l’enfant et de son fonctionnement.
Attention ! Il convient de souligner que la mesure du QI n’est pas une mesure à prendre pour argent comptant. En effet, c’est un indicateur fluctuant et créé de manière arbitraire, qui ne tient pas compte de variables externes (stress, fatigue, troubles de l’attention, langue maternelle,…). Cela contraint donc à ne pas uniquement utiliser la mesure du QI, mais les observations qui y sont liées, et les résultats dans leur entièreté avec les commentaires et recommandations. Seule une prise en compte de tous ces facteurs veut réellement dire quelque chose sur le fonctionnement intellectuel.
Nous pouvons donc souligner à ce stade qu'un enfant HPI, ce n’est pas un enfant génie. C’est un enfant qui a des habilités et des particularités, mais le revers de la médaille, ce sont les difficultés parfois amplifiées au sein de son fonctionnement. Dans ces difficultés potentielles, et sans dresser un profil alarmiste, on peut citer : le sentiment de décalage social, la communication difficile, le repli sur soi, les idéations suicidaires, la perte de sens, l’anxiété sociale importante ou l’anxiété généralisée, l’impossibilité de suivre une vie scolaire/académique/professionnelle, les cas de burn-out, les difficultés amoureuses, des comportements d’auto ou d’hétéro-agressivité, des troubles du comportement,… Bien évidemment, ces difficultés ne sont pas rencontrées par tous les profils HPI, ce sont simplement des facteurs auxquels une vulnérabilité plus grande est montrée.
Prendre en compte les particularités du HPI
Il est important de rappeler qu’au niveau de la trajectoire scolaire, il n’existe pas d’enseignement spécifique aux enfants à haut potentiel. Cependant, il convient régulièrement que l’enfant soit bien entouré, notamment par ses professeurs, éducateurs et professionnels de santé afin qu’un réseau permette un relais en cas de besoin. En effet, connaitre les particularités des profils HPI permettent de conduire à des aménagements afin de répondre aux besoins éducatifs particuliers, tout en permettant un mieux-être. De plus en plus d'établissements scolaires permettent la mise en place de structures d'aides et de relais afin de former les professeurs à ces profils particuliers.
Un autre point touche la lucidité très grande et les questionnements transversaux des profils HPI sur le sens de la vie, le décès, l’avenir du monde,… A ces questions, les parents ne savent parfois pas quoi faire et peuvent avoir tendance à ne pas répondre ou à dédramatiser, cependant, c’est un réel besoin pour ces enfants et adolescents de parler, d’échanger et de pouvoir être entendu et respecté dans ses questionnements. Bien entendu, la discussion peut parfois dévier sur des sujets « adultes », dans ces cas-là, évidemment, on peut avoir envie de confier à son enfant toutes ses problématiques, ses tracas, ses angoisses. Toutefois, il est important de se rappeler que derrière ce cerveau qui tourne à plein régime, c’est un enfant ou adolescent qui est présent. L’entrée dans le monde adulte est déjà bien assez rapide que pour impliquer son enfant et le parentifier encore plus. En effet, même avec des compétences cognitives au-delà de son âge biologique, l’enfant ou adolescent n’a que cet âge biologique, et n’est pas encore un adulte.
Dans un autre registre, la gestion émotionnelle d’un enfant ou adolescent HPI est parfois très compliquée, notamment à cause d’une grande frustration, d’émotions débordantes et d’un manque de capacité à gérer et comprendre ces mécanismes. A cet usage, il est recommandé, dès la plus petite enfance, de permettre à l’enfant d’identifier ce qu’il ressent afin que ce brouillard mental puisse être compréhensible, et permettre une élaboration, aussi bien pour soi que pour autrui, avec un développement d’empathie dans des situations sociales. Le développement de la tolérance envers soi-même et ses particularités, mais également envers autrui, permet justement de contrebalancer ce qui est parfois vécu dans les relations avec autrui, qui peut mettre à distance l’enfant ou adolescent HPI, considéré comme « bizarre » et « en marge ».
Au niveau relationnel, un enfant ou adolescent HPI a généralement des difficultés à faire confiance aux autres, qu’ils soient de son âge ou adultes. Bien qu'à ce niveau, la communication avec les adultes ou personnes légèrement plus âgées semble parfois plus aisé. A cet effet, il peut être particulièrement important de développer un tissu social riche autour de son enfant, que ce soit des personnes proches ou des professionnels de santé, afin que l’enfant puisse, et ce même en grandissant, se sentir entouré et activer son réseau au besoin. A cet usage, et afin de contrebalancer les difficultés potentielles rencontrées par les profils HPI, et décrits plus haut dans cet article, ce réseau peut permettre un relais. De plus, cela permet aux parents de fournir un quotidien mesuré, qui permet des stimulations suffisantes, sans pour autant mettre trop de pression sur l’enfant et l’enfermer dans son diagnostic et ses particularités.
Quelques ressources utiles si le sujet vous intéresse…
A bientôt au cabinet,
Coleen Godart
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