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L'auto-érotisation au féminin

Parce que sexualité rime encore trop souvent avec performance, érection et éjaculation, intéressons-nous à la sexualité féminine, et plus précisément à l'auto-érotisme au féminin.


Sujet aussi houleux qu'honteux, l'auto-érotisme et/ou la masturbation féminine sont encore des sujets peu décriés. Bien qu'en cabinet, j'observe une libération de la parole notamment chez les jeunes, que ce soit des jeunes femmes ou hommes, parler de masturbation ou de sexualité en solitaire, mais également se conscientiser à l'idée que c'est une pratique communément partagée est encore trop souvent une zone de non dit... Dans cet article, j'aimerais vous emmener à la découverte de l'auto-érotisme, afin de conscientiser à son intérêt au décours d'une vie intime et sexuelle pour la femme.



Tout d'abord, pourquoi est-ce un tabou ?


La sexualité, qu'elle soit féminine ou masculine, peut être un sujet tabou car elle relève du territoire de l'intime, mais lorsque nous évoquons la sexualité en solitaire, ou le plaisir et sa pratique ne sont liés qu'à l'individu qui l'expérimente, ce tabou se renforce. Contrairement à une sexualité partagée, l'acte masturbatoire en solitaire échappe au regard d'autrui et le rend invisibilisé. Pourtant, dès le plus jeune âge, les jeunes enfants découvrent que leur corps peut conduire à des sensations, tantôt plaisantes, tantôt déplaisantes. Ce développement psychosexuel est guidé par l'exploration et la curiosité, les sens sont en éveil et même sans le savoir, le fonctionnement du corps est conscientisé, dans ses plaisirs également. En grandissant, l'enfant apprendra que la découverte de son corps relève d'une expérience personnelle, qui n'est pas à montrer à autrui, et qui doit être, dans une certaine mesure, non exprimée. Dans une certaine mesure, car ce n'est pas le cas dans toutes les familles et ce n'est pas toujours exprimé de la même manière en fonction du genre.

Chez les garçons notamment, parler de masturbation est souvent vécu de manière plus libre. La disposition visible de son appareil génital conduit à reconnaître qu'il est bien présent, et sa proéminence peut conduire à rendre cette zone du corps envisageable et atteignable au même titre que les autres parties du corps. En effet, de part sa visibilité, il n'est généralement pas source de crainte. Même sans pouvoir nommer toutes les parties de l'appareil génital, se le représenter est généralement aisé pour la gente masculine.

Alors que pour les filles, le sexe féminin, est relativement caché, il n'est alors pas aisé de comprendre son fonctionnement ni sa structure. Cela est valable autant chez les jeunes femmes que chez les femmes adultes. En cabinet de consultation, il n'est pas rare que je montre des schémas de l'appareil génital féminin et que les femmes découvrent à quoi ressemble le clitoris, le vagin, le col de l'utérus,..., d'autres découvrent alors que l'appareil génital n'est pas une béance, mais est finalement assez similaire à un sexe masculin. De plus, le rapport au corps et à l'appareil génital est parfois plus compliqué pour la gente féminine car vécu comme étant lié diverses fonctions non toujours bien représentées ni vécues : les menstruations et l'accouchement. La notion de potentiel plaisir féminin est donc souvent invisibilisée. Ce qui se démontre bien via diverses études qui soulignent que les garçons entendent souvent parler de la masturbation avant de la pratiquer, alors que pour les filles, elles découvrent plus souvent seules la masturbation, avant de pouvoir mettre un mot dessus et l'exprimer, ce qui conduit à rendre tabou cette pratique et en extension, la sexualité même lorsqu'elle est partagée...

Pourquoi parler d'auto-érotisation ?


L'auto-érotisation, ce n'est pas un nouveau concept. Le sexologue et médecin, Havelock Ellis, ainsi que le psychanalyste bien connu, Freud, en parlaient déjà respectivement en 1898 et 1905 , lorsqu'il exprimaient l'idée selon laquelle le fonctionnement auto-érotique est le stade le plus archaïque du développement libidinal. C'est un stade archaïque car relié à la pulsion sexuelle et à l'excitation qui monte au sein de l'individu, et n'est pas dirigé vers autrui. L'excitation sexuelle prend racine au sein de l'individu, et l'individu peut de lui même se satisfaire.


L'auto-érotisation est un concept qui se base aujourd'hui sur l'idée que les femmes atteignent plus facilement l'orgasme et le plaisir via une pratique masturbatoire solitaire, ou via des caresses, plus que par un coït pénétrant. Cela va à l'encontre de l'idéologie conservatrice visant à dire que l'homme est responsable, grâce à son pénis, du plaisir féminin. Véritable concept féministe, le droit de disposer de son corps conduit bon nombre de femmes à revendiquer, au sein du foyer et en dehors, le droit de recourir au plaisir solitaire, pour autant que cela les tente. Le plaisir solitaire pouvant conduire à expérimenter des sensations de jouissance, notamment, qui n'ont pour but que de libérer des endorphines et conduire à un sentiment de bien-être, balayant les tensions accumulées au niveau physique et psychique.


De plus, la sexualité féminine, de manière plus récurrente que la sexualité masculine, a besoin d'être sollicitée pour ne pas tomber en « dormance ». L'énergie sexuelle féminine demandant , de manière plus fréquente que celle de l'homme, d'être cultivée, attisée et activée car son désir est assez complexe et fragile. En permettant au désir d'augmenter, une confiance à propos de son corps mais également de sa sexualité pourra conduire à souhaiter des rapprochements intimes et/ou sexuels avec autrui, mais également avec soi-même.


L'importance de l'auto-érotisme


L'auto-érotisme a une visée assez large, il permet :

  • d'augmenter la conscience des ressentis corporels,

  • d'augmenter la confiance en soi et en son corps,

  • de développer une image du corps positive,

  • d'apprendre à mieux connaître son corps et son plaisir,

  • de repérer les éventuelles plaintes et dysfonctionnements sexuels,

  • de stimuler sa créativité et son monde fantasmatique,

  • de diminuer les tensions psychiques et la charge mentale,

  • de réduire les tensions et les douleurs utérines notamment,

  • ...

De manière plus générale, et en tant que psychologue clinicienne et sexologue, je constate régulièrement en séance que des femmes qui pratiquent l'auto-érotisme brisent d'elles-mêmes divers tabous entourant la sexualité féminine. Elles découvrent que le plaisir féminin n'est pas uniquement du à une pénétration, qu'il n'existe pas de distinction entre l'orgasme vaginal et clitoridien, que l'orgasme n'est pas une fin en soit mais un outil, qu'il est normal qu'une sécrétion vaginale se déroule avec la montée du plaisir, que le plaisir est fluctuant,...


Je remarque également que de plus en plus de femmes expriment leur sexualité en solitaire, de la même manière que la sexualité partagée, lors des consultations sexologiques mais également lors d'autres consultations plus générales. La déconstruction de tabous au sein de l'imaginaire féminin permettant de lever des tabous lors de consultations avec des professionnels de la santé, et d'exprimer la santé sexuelle, comme une composante intégrante de la santé mentale.


Comment s'auto-érotiser ?


Pour certaines femmes, et encore plus depuis la libération de la parole ces dernières années, l'auto-érotisation passe par la découverte de toys. Les sextoys sont de plus en plus nombreux et diverses plateformes permettent de découvrir, en fonction de l'expérimentation et des envies, des jouets adaptés. Dans ces plateformes, « Passage du désir » revient régulièrement car ce site permet de s'intéresser aux toys sans se rendre spécialement en boutique physique, et tout en recevant des conseils avisés en fonction du budget et des envies. Les valeurs de cette plateforme étant également intéressantes car étant axées sur l'éducation sexuelle, l'éthique, la bienveillance, l'ouverture d'esprit, la tolérance. Cette marque prône une sexualité ludique et décomplexée depuis plus de 15 ans, ce qui fait fortement écho aux consultations de sexologie que je tente de proposer. De plus, en consultant ce site internet, bon nombre de clichés peuvent être brisés, car l'imaginaire entourant les toys n'est pas toujours conforme à la réalité, les mentalités évoluent et les toys également... Pour les personnes qui n'aiment pas consulter le web, des boutiques physiques indépendantes existent également et certaines d'entre elles disposent de conseillers en sexualité, qui peuvent vous aider.

L'auto-érotisme ne rime pas forcément avec une approche tactile de la région génitale. Pour certaines femmes, l'auto-érotisme va passer via des caresses ou des auto-massages , à main nue, sur sur le corps entier car diverses zones érogènes y sont ressencées, et chaque zone érogène conduit à une possibilité de ressenti distinct en fonction des femmes. A nouveau, la sexualité en solitaire ne doit pas être spécifiquement reliée à la génitalité, bon nombre d'autres possibilités existent pour apprendre à connaître son corps et ressentir du plaisir. Pour certaines femmes par exemple, le fait de porter de la jolie lingerie, pour soi-même conduit déjà à une auto-érotisation.


Bien que le toucher soit un sens intéressant pour l'auto-érotisation, ce n'est pas le seul. La vue, notamment de part le visionnage de films pornographiques ou la lecture de récits érotiques peut faire sens. Ces derniers temps, l'industrie pornographique s'est de plus en plus ouverte à l'éthique et à un décentrement de la vision phallo-centrée de l'activité sexuelle, ce qui permet de trouver des films incarnant une sexualité plus en adéquation avec la réalité. Les récits érotiques, qu'il soient consultés sous la forme de livres, de sites internet,... peuvent conduire à une augmentation de la créativité en recourant au fantasme car on peut alors tout imaginer, et lire entre les lignes.

Une autre alternative étant de s'axer sur l'audio. A ce titre, il existe de plus en plus de plateformes de podcasts qui proposent des audios érotiques de divers types. Par exemple, la plateforme « Femtasy » propose des audios à destination des femmes, qui souhaitent révaser en développant leur créativité, mais qui souhaitent également découvrir leur corps via des visites guidées. Les valeurs de cette plateforme touchant à des valeurs communes au site « Passage du désir », notamment l'éthique, la tolérance, l'ouverture d'esprit, le non jugement, le consentement. A nouveau, c'est une plateforme que je recommande régulièrement à des patientes qui souhaitent découvrir leur corps ou booster leur désir sexuel.


Que ce soit pour les jeunes et les moins jeunes, je recommande régulièrement de recourir à divers moyens d'auto-érotisation afin d'appréhender son corps et son plaisir via différents biais. De plus, la sexualité en solitaire étant différente d'une sexualité avec un(e) partenaire, cela peut valoir la peine de développer son imaginaire fantasmatique via divers biais, afin de pouvoir connaitre divers plaisirs et moyens d'excitation.


Auto-érotisation et couple ?!


En couple, l'auto-érotisme peut également avoir sa place, et même une place de choix ! Il n'est pas rare qu'en tant que femme, au sein d'un couple hétérosexuel, on soit au courant que notre partenaire puisse recourir au plaisir solitaire. En tant que femme par contre, on essaie parfois de cacher cela, car la honte est parfois encore bien présente. Pourtant, la sexualité en solitaire n'est pas une sexualité qui empêche la sexualité en couple, c'est un outil additionnel, qui peut même s'utiliser en couple, et pour le couple. Je parle notamment de ce que l'on a tendance à appeler, d'un nom qui selon moi ne veut pas dire grand chose, « les préliminaires ». Lors de ces derniers, chaque partenaire peut apprendre à l'autre comment lui faire plaisir, en lui montrant et/ou en le guidant. Cette sexualité partagée conduisant généralement à une sexualité saine et assumée, ce qui peut conduire à des rapports sexuels plus satisfaisants pour les deux partenaires, et parfois sans recourir à un coït pénétrant.


Bien entendu, ce n'est pas toujours simple d'en discuter avec son partenaire car pour certains, c'est une zone de tabou, ou une zone résolument intime. Mais pourquoi ne pas amorcer un dialogue ? En partageant cet article notamment ? Ou en n'effaçant pas son historique de recherche, ou ses toys ? A titre personnel, j'aspire à une nouvelle conception de la sexualité en couple permettant, par exemple, de considérer la sexualité en solitaire non pas comme un acte de non satisfaction, mais comme un acte de découverte de soi, permettant par la suite une mise en commun du plaisir. Cette vision vous parle-elle ?

A bientôt au cabinet, Coleen Godart

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