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Les différences de désir sexuel au sein du couple

En consultation sexologique, il n'est pas rare d'entendre des patients exprimer une différence de libido plus ou moins importante au sein de leur couple. Et contrairement aux idées reçues, la différence de libido ne veut pas dire que l'homme est plus en demande que la femme. D'expérience, c'est souvent plus le cas inverse que je rencontre en cabinet. Alors, que faire quand une différence de libido est présente au sein d'un couple ? Est-ce forcément la fin du couple ?



La première piste semble bateau mais elle réside dans cette simple phrase « Il faut qu'on parle... ». En effet, il est extrêmement important que le couple communique, échange à propos de sa vie sexuelle (et pas seulement!). Il est simple de parler et d'échanger à propos d'une liste de courses ou de repas, mais la sexualité est souvent plus une zone d'ombre et de non-dits au sein du couple. Pourtant, il est véritablement important de réaliser un bilan. Je conseille souvent en consultation de réaliser une « intervision » de son couple. Par intervision, j'entends un concept que les psychologues connaissent bien, celui de parler avec un autre psychologue afin d'avoir un retour sur ses pratiques. Au sein du couple, cela peut prendre la forme d'une discussion tous les x temps (à définir ensemble et en fonction des besoins). Ce moment de discussion doit s'effectuer dans de bonnes conditions : pas avec des personnes tierces comme des amis ou de la famille, sans les enfants, sans distraction de téléphone ou de télévision,... Et pourquoi pas en rendant le moment sympathique, autour d'un apéro ou d'un repas par exemple ? L'idée est véritablement de prendre le temps d'échanger à propos du ressenti au sein du couple sur différentes sphères, et forcément, dans ce qui nous intéresse ici, autour de la sexualité.


Au-delà de la discussion servant de support pour connaitre le ressenti de son partenaire au sein de la sexualité, il est important d'aller plus loin. En effet, comment au sein du couple, attiser la flamme du désir sexuel ? A ce stade, il est important de parler de l'imaginaire érotique. L'imaginaire érotique, c'est le support qui va servir à chaque partenaire, de terreau pour une sexualité à deux, ou seul. Rien n'oblige le partenaire à partager tout ce que contient son imaginaire érotique, mais on peut partager au fur et à mesure du temps, quelques petites préférences. Que ces préférences soient des choses déjà réalisées ou utilisées au sein du couple, ou des choses qui donnent envie, sans forcément nécessiter de passer à la réalisation. Les sources d'attraction des partenaires peuvent être diverses : les baisers, le toucher, entendre le plaisir de l'autre, les regards, les petites attentions,.. Tout cela forme des éléments personnels et individuels pouvant aiguiller le désir sexuel du partenaire, et être des supports pour l'autre partenaire. En effet, en se connaissant et en sachant vers quel imaginaire érotique son partenaire tend, on peut plus aisément co-construire une sexualité pouvant être attrayante pour l'autre.


Maintenant que les bases sont posées, on peut passer à l'action ! Dans un quotidien de couple, et encore plus lorsque les partenaires vivent ensemble, ont éventuellement une vie de famille ou des vies professionnelles chargées, la routine peut être un véritable frein pour la sexualité. A ce titre, voici un témoignage recueilli lors d'une consultation : « Avec ma compagne, notre sexualité n'est pas extraordinaire... Il y a eu un avant après emménagement ensemble. Je pense que la routine a eu raison de notre vie sexuelle. On avait un schéma précis : un rapport sexuel avant de dormir. Cela semblait nous convenir, mais finalement, au fur et à mesure des mois et de nos préoccupations, on allait dormir tard, vers 23h30 – 00h et finalement, de mon côté, l'envie n'était pas spécialement présente. J'étais claqué. Ma compagne voulait souvent manger, donner le bain aux enfants, ranger la maison, prendre sa douche, regarder un épisode d'une série, et cette routine ne semblait pas pouvoir changer. J'étais très frustré de notre sexualité, et après un moment, j'ai eu de moins en moins envie. Ma libido s'était comme envolée. A ce moment là, je me suis dit qu'il était peut-être temps de consulter un sexologue, même si j'avais peur d'arriver avec ce problème en consultation... ». Cet exemple illustre parfaitement ce que je peux entendre régulièrement en consultation, la nouveauté dans la relation est souvent le moment où les rapports sexuels sont plus fréquents et fougueux. Avec le quotidien et la routine, les partenaires prennent parfois moins le temps de se retrouver autour d'une sexualité. A ce moment là, la vie sexuelle peut en pâtir, et finalement, même si une frustration peut être présente, la routine d'une presque absence sexuelle arrive et l'engrenage se referme sur le couple. Il n'est pas nécessaire de se forcer pour avoir une sexualité en couple, mais de savoir que le désir sexuel va et vient en fonction des moments, et surtout s'entretient. Moins le désir sexuel est entretenu, par une activité sexuelle quelconque, moins il est présent. Et moins il est présent, plus il est difficile d'avoir envie de l'autre et d'initier un quelconque acte. Il est aussi important de reconnaitre que le désir sexuel change et évolue au cours du temps, il n'est pas toujours aussi puissant, et parfois, il doit être « poussé » pour grandir. En effet, il ne doit pas être contraint mais il faut parfois lui donner un petit coup de pouce. Si on propose un moment d'intimité au partenaire, si on créé une ambiance plus sensuelle, cela peut booster le désir et créer finalement un moment intime, qui n'adviendrait pas si le couple se dit « bon, il est tard, on va dormir ». Le signal doit être plus clair que cela pour recréer quelque chose d'intime, sans forcément entendre la réalisation d'un acte sexuel ou pénétratif.


Et quelles sont les autres pistes ? Souvent, je conseille aux couples de penser à l'intimité avant la sexualité. En effet, on peut être proche de son partenaire, lui faire des câlins, l'embrasser, partager des moments de qualité, le masser,... Tout cela ne touche pas directement à la sexualité, mais remet une notion importante au centre de la dyade du couple : la séduction et/ou l'érotisme. Toucher l'autre sans forcément penser à un rapport sexuel permet de retrouver une complicité, un contact des corps et cela peut déjà raviver la flamme du désir sexuel, en améliorant l'image corporelle de chacun des partenaires. A ce titre, le massage tantrique peut être une approche intéressante car son but est de revenir à ses sensations corporelles, et non à son mental. On quitte alors la to do liste mentale pour se focaliser sur les ressentis corporels, sur l'énergie sexuelle qui circule dans tout le corps, et pas uniquement les parties génitales. Le corps est donc érotisé dans son ensemble, cela permettant d'améliorer son image corporelle, tout en effectuant le vide dans sa tête. L'idée principale de ce massage, pouvant être réalisé par un professionnel, n'est pas d'entrer dans un fantasme sexuel ou dans l'accomplissement d'une sexualité, mais de recevoir et d'accueillir le plaisir sensuel.


Et la masturbation dans tout ça ? Il n'est pas rare qu'une différence de désir sexuel conduise l'un des partenaires à une masturbation plus fréquente, afin de parer à la frustration. Cela peut être une piste, mais ce n'est pas véritablement une solution en soit. En effet, la sexualité épanouie d'un couple peut passer par une sexualité épanouie et assumée en solitaire, mais il me semble important que tout cela soit présent dans un certain équilibre. En effet, si un partenaire éprouve un besoin sexuel plus grand que l'autre, la masturbation peut permettre de combattre dans une certaine mesure la frustration ou du moins de diminuer l'envie sexuelle sur le moment T, mais cela ne résout pas la différence présente au sein du couple et pouvant être, sur le plus long terme, une source de frustration importante et de distanciation. A ce propos, voici le témoignage d'une patiente que j'ai pu recueillir : « Au début de notre couple, notre vie sexuelle était parfaite ! Une véritable alchimie, beaucoup de plaisir et une connexion au delà de la sexualité. Petit à petit, les rapports se sont fait moins nombreux et j'ai perdu confiance en moi. J'avais l'impression que mon partenaire ne me désirait plus. Ce qui fonctionnait avant, mettre de jolis sous-vêtements, l'appeler en étant nue, porter des bodys,... tout cela ne semblait plus l'émoustiller. Je remettais mon corps en question en me disant que j'avais objectivement pris du poids, et que peut-être j'étais moins désirable à ses yeux. Je n'osais pas lui en parler, mais il n'était pas rare que le soir, suite à des essais non fructueux, je m'endorme en pleurant. Je n'étais pas heureuse dans notre vie sexuelle. Après des mois à vivre les choses de cette manière, je me suis rendue compte que j'avais des envies sexuelles plus grandes que lui. J'avais relativement honte, car souvent, on pense que les femmes ont moins de libido que les hommes. J'étais honteuse de cela et je ne voulais pas lui en parler. J'ai donc préféré avoir une vie sexuelle en solitaire, consommer de la pornographie, et utiliser des sextoys. Cette démarche m'a profondément aidée en terme de confiance en moi, car je me sentais plus sexy et mieux dans mon corps. Je me connaissais aussi beaucoup mieux. J'ai donc cru que la frustration ressentie au sein de mon couple s'en était allée. Mais malheureusement, ce n'était qu'un mirage. Malgré cette vie sexuelle en solitaire, je manquais de relations avec mon partenaire. J'ai osé lui en parler, mais à ce stade, nous n'avons pas encore trouvé de solutions. Je sens qu'il n'est pas prêt à consulter un sexologue, et je pense qu'il ne comprend pas véritablement à quel point je souffre de tout cela. Je me sens bien dans notre couple, mais au niveau sexuel, je me sens en inadéquation avec moi-même et avec ma vision d'un couple épanoui et heureux. J'espère que nous pourrons consulter quelqu'un ensemble, afin de pouvoir entrevoir les choses sous un autre angle, car je ressens que c'est un grand frein à la poursuite de notre histoire sur du long terme... »


Ce témoignage soulève également un point extrêmement important qui peut faire déculpabiliser bon nombre de femmes : oui, les femmes peuvent avoir un désir sexuel plus grand que les hommes. Souvent, la honte peut être présente car la femme peut se remettre en question, remettre en question son corps, se trouver anormale et ne pas oser en parler avec son partenaire. Pour ce faire, les thérapies de la femme peuvent être une première piste. En effet, le cycle menstruel et le terrain hormonal féminin conduit la femme à vivre des variations hormonales ayant un impact sur sa santé sexuelle, et donc sur son désir. Il peut être intéressant au-delà de cette approche plus théorique, d'oser se découvrir, découvrir ses organes génitaux et son corps, dans son entièreté. La communication avec le partenaire peut également être initiée afin de savoir pourquoi une différence de libido existe, et si cette différence est ressentie par le partenaire ou non. Parfois, des couples se présentent à moi en consultation, et les raisons sont relativement simples, bien que complexes à dire : le partenaire ne prend plus soin de son corps, son hygiène corporelle laisse à désirer, la répétition de positions sexuelles sans changement,... A ce moment, il est plus aisé d'enrichir les pratiques sexuelles, de lâcher prise, de recréer un autre type de sexualité,...


A noter, parfois, les partenaires n'ont pas du tout la même vision de la sexualité et une sexualité ensemble ne pourra malheureusement pas fonctionner sans créer de frustration. A ce stade, certains couples décident de se séparer, de transformer leur couple en couple libre,... Toutes ces options restent envisageables, mais je conseille vivement d'en parler, ensemble, ou avec un sexologue, afin de pouvoir dégrossir le tableau de la relation (donc pas uniquement au niveau sexuel) et apaiser les tensions pouvant être présentes entre les partenaires, surtout s'ils envisagent une poursuite de leur relation. Le mal-être sexuel fait véritablement partie d'un mal-être psychique pouvant avoir de grandes répercussions sur la santé mentale dans son ensemble, cela doit donc être pris au sérieux. « Si la médecine ajoute des années à la vie, la sexualité ajoute de la vie aux années... ».


Prenez soin de vous et à bientôt au cabinet !

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