En consultation, je reçois bon nombre de couples qui souhaitent allier consultation en périnatalité et sexologie. En effet, il est de plus en plus communément admis de parler de sexualité lors de la grossesse et en post-partum, d’où la possibilité de briser les tabous et les mythes l’entourant. Après avoir reçu bon nombre de messages suite à la publication de l'article "L'expérience de la maternité, entre bouleversements et apprentissages", j'ai voulu aller plus loin en consacrant un article à ces mythes.
Le bien-être intime et sexuel
Un premier concept important à décrire est le bien-être intime et sexuel. Comme je vous en ai déjà fait part dans d’autres articles, la santé sexuelle est reconnue comme une composante active de la santé, dans son ensemble. Afin de parler de bien-être intime et sexuel au sein d’un couple, il convient de tenir compte de différentes sphères :
La relation de couple, la relation à l’enfant à naitre ou aux enfants précédents, la relation à son corps,…
La vie quotidienne et sa logistique au niveau de la répartition des tâches, l’organisation familiale, les aides au quotidien, les routines,…
La proximité au niveau intime et/ou sexuel, la satisfaction ressentie à propos du couple, l’histoire de vie du couple,…
La vie psychique avec ses possibilités de soutien et ses vulnérabilités en fonction de chacun des partenaires
La physiologie liée aux corps sains ou non, aux douleurs, aux incapacités physiques,…
Evidemment, ces sphères sont non exhaustives, mais elles dressent de manière succincte la définition du bien-être intime et sexuel, dans un couple, attendant un enfant, mais pas seulement. Cela permet donc de concevoir que le bien-être intime et sexuel peut vaciller en fonction du quotidien, et que c'est finalement un équilibre parfois fragile, auxquels les mythes et fausses croyances vont se greffer et s'ancrer de manière néfaste.
Les mythes entourant la sexualité durant la grossesse
Un premier mythe touche à l'idée bien répandue que le pénis pourrait toucher le bébé lors d’un rapport sexuel. Cela est évidemment faux car le bébé est protégé par le liquide amniotique et l’entrée de l’utérus est obturée par un bouchon muqueux qui empêche toute intrusion. De plus, la physiologie du corps féminin conduit, grossesse ou non, à l’impossibilité que le pénis entre dans l’utérus, il reste simplement dans le vagin. Même le pénis le plus imposant ne pourrait pas déjouer cet aspect physiologique.
Un second mythe est que mener une sexualité durant la grossesse est risqué. A ce mythe, il y a une partie de vérité. En effet, pour certaines grossesses et certaines femmes, les recommandations des médecins ne permettent pas de poursuivre une vie sexuelle active pour diverses raisons (placenta praevia, risque de décollement des membranes, menace d’accouchement prématuré,…). Toutefois, pour bon nombre d’autres femmes, continuer à avoir une vie sexuelle est tout à fait possible, et sans risque. Le bébé étant protégé des secousses, et ne pouvant que profiter de la libération d’hormones. Malgré l’orgasme et les contractions qui y sont liées, cela ne va pas modifier le col utérin et ne peut pas provoquer de fausse couche ou de détresse du bébé.
Un troisième mythe est lié au fait que la sexualité durant la grossesse est redondante, voire même inexistante. Sur ce point, tout dépend du couple et de sa créativité, mais aussi de ses envies. En effet, il est possible de trouver des positions confortables, de trouver des angles de pénétration ou des amplitudes qui ne conduisent pas à des douleurs ou des inconforts. Cependant, certaines femmes ne souhaitent plus poursuivre une vie sexuelle car elles ne se sentent pas à l’aise avec leur nouveau corps, et cela peut également être valable pour les futurs papas, qui peuvent avoir des envies sexuelles qui se modifient face aux envies de préparer le futur nid familial. Tout cela étant très dépend du trimestre de grossesse et de la vie psychique des futurs parents.
Un quatrième mythe est lié au fait que le rapport sexuel peut provoquer l’accouchement. Sur ce point, de fausses idées circulent car on évoque souvent la possibilité de recourir à une vie sexuelle afin d’accélérer le travail. Cette possibilité est par exemple utilisée dans les accouchements physiologiques (les moins médicalisés possibles), comme une manière de faire progresser le travail avant l'accouchement et l'expulsion du placenta. Toutefois, le rapport sexuel, à lui seul, ne va pas déclencher un accouchement si la femme n’est pas en fin de grossesse. Seule une femme en fin de la grossesse, avec un bébé prêt à naitre, va être sensible aux prostaglandines contenues dans le sperme qui vont dilater le col de l’utérus; et accompagné de l’ocytocine, conduire à des contractions utérines facilitant le travail.
Un dernier mythe concerne le fait que les femmes pourraient expérimenter des orgasmes durant la grossesse ou même durant l’accouchement. Sur ce point, c’est exact. En effet, la grossesse permet une augmentation du flux sanguin dans la zone génitale, ce qui peut favoriser les orgasmes. A ce même titre, on peut parler d’accouchement orgasmique, ce qui reste un sujet extrêmement tabou, car certaines femmes ressentent une stimulation du clitoris de manière externe et interne lors de l’accouchement, conduisant à une extase, proche de l'orgasme.
Les modifications de la sexualité dans la période du post-partum
La sexualité du couple a pu être investie durant la grossesse, et avant cela, mais toutefois, le retour à une vie sexuelle peut être compliqué dans le post-partum. En effet, la sexualité est multidimensionnelle, et il faut tenir compte de différents facteurs spécifiques liés au post-partum : la fatigue, les douleurs, les bouleversements hormonaux, les écoulements sanguins post-accouchement (lochies), les possibles traumatismes liés à l’accouchement, le changement de rôle au sein de la famille, l’image du corps et ses modifications objectives, la charge mentale, la mise en route de l’allaitement, la vie psychique compliquée avec notamment la dépression post-partum/baby blues…
Dans cette liste non exhaustive, un point important est lié à l’allaitement. En effet, il n’est pas rare que les mères allaitantes parlent d’une diminution du désir sexuel et de l’envie de s’impliquer dans une sexualité, telle qu’elle soit. Au niveau hormonal, les choses s’expliquent car la prolactine, l'hormone permettant entre autres l’allaitement, augmente, alors que la testostérone chute, entrainant une baisse d’intérêt pour la sexualité. Une autre diminution hormonale touche les œstrogènes, qui vont conduire entre autres à une sécheresse vaginale, ne rendant pas plaisant les rapports pénétratifs, sans usage de lubrifiant.
Autre information importante, il n’est pas rare que le plaisir intense, comme celui de l’orgasme, déclenche un réflexe d’éjection de lait, car l’ocytocine est l’hormone impliquée dans ces deux actions ; cela peut donc bloquer le retour à une vie sexuelle ou conduire à des craintes quant au regard du partenaire. De plus, l’expérience de l’allaitement est un acte conduisant de manière générale à un plaisir et un bien-être pour la femme, qui finalement ne semble plus avoir besoin de trouver du plaisir dans une autre activité car une zone érogène, celle des mamelons, est utilisée, parfois avec culpabilité.
Sur ce point, il convient bien évidemment de préciser que ces modifications de désir sexuel ne sont pas présentes chez toutes les mères allaitantes, certaines vivent très bien le retour à une sexualité, et sans ressentir les variations hormonales.
Un autre point notable touche au rôle de mère qui peut compliquer le retour à une vie sexuelle. En effet, dans l’imaginaire collectif, nous avons pour habitude de catégoriser les femmes, et notamment sous le complexe de la madone ou de la putain. Derrière ce complexe, se cache une réalité que les jeunes parents ont parfois du mal à concilier. En effet, comment faire pour passer outre le rôle de la maman, qui a mis au monde un enfant au niveau de ses organes génitaux, qui l’allaite peut-être, pour l’espace d’un instant réinvestir ce corps et sa génitalité dans une activité source de désir et de plaisir créatif ? La mère devient donc parfois désexualisée, et peut partager cette vision, ou simplement subir ce changement de vision, de la part de son conjoint.
Pour passer outre toutes ces modifications, le maitre mot est l’écoute de soi et de ses désirs. Aucune temporalité spécifique ne peut être calquée d’un couple à un autre, et d’un partenaire à un autre, car toute expérience est singulière. Toutefois, on peut imaginer qu’il est important de s’écouter, et d’éventuellement recourir à un professionnel, si une difficulté perdure dans le temps. A l’image des mythes entourant la grossesse, il existe des mythes ou des craintes qui limitent le retour à une vie sexuelle active, sans véritablement avoir une logique. Tout cela pourrait être déconstruit, si la parole pouvait s’ouvrir, au sein du couple et/ou en dehors. Il est aussi important de ne pas se focaliser, uniquement sur le retour à la sexualité pénétrative, mais à une intimité, des moments partagés, afin de pouvoir recréer un lien avec le partenaire, appréhender cette nouvelle vie de parents, tout en laissant le temps pour intégrer ce parcours parental, en se redécouvrant d’abord personnellement. A ce titre, il est tout aussi important que les jeunes parents puissent avoir des petits moments personnels afin de pouvoir intégrer l’expérience de la grossesse, de l’accouchement, et des premiers jours/semaines/mois de bébé, afin d’envisager la suite, sous un angle plus raisonné.
Les mythes entourant la sexualité en post-partum
Un premier mythe répandu trouve son implication dans le fait qu’il y aurait un temps obligatoire d’attente avant le retour à une vie sexuelle. Pour ce mythe, il est important de tenir compte de l’expérience de grossesse et d’accouchement de chacune. En effet, tout le monde ne récupère pas de la même manière et il n’est pas aisé, voir impossible, de donner une date précise à tous les jeunes parents. Toutefois, il est communément admis par les médecins de préconiser une attente de 3 à 6 semaines avant de réinvestir une sexualité pénétrative post-accouchement, afin de laisser le temps au col de l’utérus de se refermer, et à l'utérus, de reprendre sa position initiale. En cas de césarienne, de déchirure ou d’épisiotomie, le délai peut aller jusque plus de 6 semaines. Mais seul un gynécologue ou obstétricien peut vous indiquer ce qu’il convient d’attendre en fonction de votre parcours d’accouchement ; et ce temps d’attente ne vous encourage en rien à reprendre une sexualité directement au moment cité, c’est simplement un indicateur au niveau physique et physiologique.
Un second mythe est lié au fait que les hommes ne désirent plus le corps de leur conjointe, suite à l’accouchement. Sur ce point, c’est une fausse croyance notamment alimentée par les craintes des femmes. En effet, chaque homme est différent et peut avoir besoin de plus ou moins de temps pour appréhender la sexualité avec sa partenaire, quand le corps a changé et continue de changer. Toutefois, il est extrêmement rare que cela conduise à un blocage, et un rejet total de la partenaire, voir des infidélités.
Un troisième mythe concerne la douleur qui évoquerait la première fois, suite à un accouchement. C’est un mythe total, car tout dépend de l’accouchement. Une précaution générale serait de réinvestir la sexualité de manière douce, avec une préparation (caresses, câlins, lubrifiant,…) sans forcément aller vers une sexualité pénétrative rude dès le début, afin de tenir compte des éventuels inconforts ou douleurs, mais aussi angoisses de chacun.
Un dernier mythe concerne le vagin suite à l’accouchement serait élargi. C’est totalement un mythe car il ne tient pas compte du fait que le vagin est un organe qui a une grande capacité d’élasticité, même en dehors de l'accouchement. En effet, sans excitation ni stimulation, les parois du vagin se touchent ; mais avec l’excitation et la stimulation, cet état est modifié car l’afflux sanguin permet un élargissement des parois. Le vagin ne devient donc pas béant suite à l’accouchement, mais la rééducation périnéale est importante afin de raffermir les muscles du périnée et de permettre de soutenir les organes internes (vessie, utérus, rectum), tout en permettant des contractions pouvant augmenter le plaisir sexuel et les ressentis durant les rapports.
Et si je souffre de ma vie sexuelle et intime durant la grossesse et le post-partum ?
Dans ce cas, je conseille chaudement de consulter un professionnel habilité à vous accompagner dans ces questions. Que ce professionnel, soit comme moi, axé sur la psychologie de la périnatalité et la sexologie, ou qu’il n’ait qu’une de ces casquettes, tout dépendra de vos besoins et de votre demande. De plus en plus de gynécologues, sages-femmes et doulas s’ouvrent à ces questions et peuvent y répondre. Si vos questionnements sont en dehors de leurs champs de compétence, ils vous réfèreront à des professionnels plus habilités à ces problématiques.
Des ressources externes, comme des podcasts, notamment celui de la « Matrescence » reprend diverses ressources entourant l’expérience de la parentalité dans le couple, et propose des ressources littéraires, des articles, des interviews,… Je recommande aussi énormément de s’intéresser à ce que propose Camille Bataillon, une sexologue française, qui traite de la sexualité durant la périnatalité dans des podcasts, webinaires en ligne, livres,…
J'espère que cet article aura été aussi éclairant que le précédent, à propos de l'expérience de la maternité.
A bientôt au cabinet, Coleen Godart
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