Depuis la pandémie, je reçois énormément de patients qui me parlent de leurs difficultés, et qui m'expriment ressentir une grande différence dans leur santé mentale depuis les confinements successifs lié à la pandémie du Covid-19. En effet, la pandémie de Covid-19 n'aurait pas uniquement été une crise sanitaire, avec ses conséquences malheureusement bien connues, mais également peut-être le déclencheur d'une crise de mal-être dans la civilisation, pour paraphraser l'expression de Freud en 1930...
Pour beaucoup, les confinements successifs ont été des périodes d'enfermements difficile à vivre car étant liés à une diminution des contacts sociaux. Ces enfermements ont conduits à une perte de repères quotidiens, et une augmentation d'angoisses diverses. Que la vie au domicile soit saine ou pas, des mécanismes psychiques se sont mis à l’œuvre chez tout un chacun avec une souffrance psychique pouvant être très grande. En effet, pour beaucoup, le seuil de vulnérabilité a été outrepassé, ce qui a conduit, couplé à un niveau de stress élevé, à exprimer des problématiques psychiques comme la dépression, l'anxiété, la manie,... Ces manifestations de santé mentale déstabilisée étaient similaires à celles décrites et traitées par les psychologues avant la pandémie, mais certaines formes se sont modifiées afin de répondre aux problématiques du confinement. Comme l'ont dit de nombreux experts durant la pandémie : « Beaucoup ont eu une réaction émotionnelle face au virus, voyant en lui non pas un problème qui devait être traité comme un autre, mais comme une sorte de monstre réveillant nos peurs les plus profondes ». En effet, notre psychisme a été mis aux yeux et vues de tous, et cela a été déstabilisant car conduisant à voir notre vulnérabilité et nos failles de plus près. Est-ce normatif après une expérience de confinement ? Oui, si nous nous axons sur la période précédent la pandémie, des expériences de confinement étaient déjà le quotidien de multiples publics : les personnes incarcérées, les astronautes, les sous-mariniers et plongeurs, les spéléologues,... Toutes ces expériences étaient documentées par des scientifiques, cherchant à comprendre les enjeux psychiques de confinements successifs.
Les enjeux psychiques les plus courants de cette expérience de confinement constituent une liste assez impressionnante : l'ennui profond, la remise en question de ses capacités et envies, des sentiments d'insatisfaction et de frustration, des envies de s'échapper de part des comportements addictifs divers (consommation de substances, jeux d'argent, hypersexualité,...), de grands symptômes de solitude, des symptômes psychotiques divers (hallucinations, altérations de la pensée, idées délirantes), des troubles du sommeil, une augmentation des prises de risque et de l'impulsivité, une perte de contact avec la réalité des événements extérieurs, de l'anxiété liée aux médias, une incertitude face au futur, des angoisses liées aux questionnements de santé publique, une intolérance à l'incertitude, du stress post-traumatique, de la distanciation sociale, des angoisses financières, des deuils difficiles, des impulsions suicidaires, des restrictions alimentaires ou accès hyperphagiques, de l'alimentation émotionnelle, des passages à l'acte agressifs avec des difficultés dans la gestion émotionnelle,... Tous ces enjeux psychiques laissent forcément des traces dans la construction identitaire des personnes qui les expérimentent. Ces traces restent donc présentes dans le quotidien de bon nombre d'individus à l'heure où les confinements successifs semblent être derrière nous.
Alors, que pouvons nous faire concrètement quand des difficultés, comme celles citées ci-dessus, restent présentes ?
Organiser son quotidien en tentant de préserver son rythme biologique afin d'avoir un sommeil réparateur et une exposition suffisante à la lumière diurne.
Pratiquer une activité physique régulière, sans obligatoirement répondre à des contraintes d'endurance, comme par le biais d'activités douces (yoga, étirements, marche,...).
Avoir des contacts sociaux réguliers même s'ils se déroulent à distance.
S'alimenter efficacement à des heures régulières, avec un apport en nutriments suffisants, et en évitant tout excès.
Cultiver la détente et des moments de ressourcements personnels (lecture, écriture, jeux, musique, promenades,...)
S'ouvrir aux expériences d'autrui par le biais de lectures philosophiques, de vidéos, de podcasts, de vlogs,... afin de partager un quotidien commun.
Consulter un psychologue, ou tout professionnel de la santé, permettant le partage des difficultés de santé mentale.
Bien entendu, il est également important de souligner que les confinements successifs ont conduits chez certains individus à des expériences transformatives positives. Jean Chambry, pédopsychiatre, a dit à ce propos : « La vie est un risque permanent. Ne plus accepter le risque, c'est accepter de ne plus être vivant. Pour éviter de mourir, on nous propose une nouvelle société sans aucun risque, où, sans le savoir, nous sommes déjà morts ». La pandémie a donc pu être une source de créativité et de répit pour certains, qui ont pu remettre leur vie personnelle au premier plan, en mettant de côté leurs vies professionnelles, familiales, sociales,... Ce changement de priorité n'étant pas uniquement négatif, car pouvant conduire à reprendre sa vie en main en se mettant au premier plan. Cela conduit à un égoïsme, qui n'est pas connoté négativement comme on peut le penser : ne pas s'oublier tout en restant disponible pour autrui, dans un équilibre sain. S'accorder du temps (du « me time » de qualité), réagir en fonction de ses valeurs, pouvoir dire non tout en étant au service d'autrui, apprendre à se connaître et à s'apprécier, respecter ses limites et besoins tout en les partageant à autrui,... sont des exemples des apprentissages qui ont pu être présents chez certains de mes patients, qui viennent aujourd'hui à consulter, non pas parce qu'ils sont dans des situations de santé mentale instable, mais simplement car ils souhaitent un accompagnement vers un quotidien plus serein et vers un mieux-être durable.
Vous souhaitez trouver d'autres ressources faisant état du lien entre Covid-19 et santé mentale ? Sachez que cet article prend son essence dans les consultations que j'ai pu avoir, mais également dans le livre du professeur Nicolas Franck, « Covid-19 et détresse psychologique », édité chez Odile Jacob. Le livre « Quand la psychose fait dérailler le monde » de Renaud Girard et Jean-Loup Bonnamy, écrit en 2020 chez Tracts Gallimard, a également également une source d'inspiration et de réflexion dans ma pratique professionnelle.
Quelle que soit votre relation avec votre santé mentale, prenez soin de vous !
Je vous dit à bientôt au cabinet, Coleen Godart
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