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Le deuil périnatal

Le deuil périnatal demeure un grand tabou dans notre société. En effet, il est inimaginable de perdre un enfant durant la grossesse, au cours de l'accouchement ou durant ses premiers jours de vie. Et pourtant, en 2020 en Belgique, StatBel pouvait dénombrer 862 décès d'enfants de moins de un an et d'enfants morts-nés. Malgré que ces chiffres soient en diminution, bon nombre de parents endeuillés souffrent en silence, esseulés dans leur perte. En consultation de périnatalité, la question du deuil périnatal est souvent interrogée, autant de la part de parents endeuillés que de proches, ne sachant pas comment réagir. Cet article, fruit de mes recherches et des rencontres en consultation, souhaite offrir quelques pistes de soutien et de dialogue...


Du côté des proches...


Emmanuelle Zech, docteure en psychologie à l'Université Catholique de Louvain, souligne dans son ouvrage "Psychologie du deuil" (Mardaga, 2006) que 80% des paroles de l'entourage sont vécues comme non soutenantes face au deuil. Cela ne veut pas dire qu'aucune parole ne peut être soutenante, mais simplement que sans repère, il est compliqué de pouvoir s'imaginer ce que traversent les parents endeuillés.


Le premier repère a retenir est l'idée que même si l'enfant est décédé durant la grossesse, l'accouchement et les premiers jours de vie, il était déjà aimé. S'intéresser à cet enfant en posant des questions concernant son éventuel prénom, son sexe,... permettent de faire de cet être un individu à part entière, qui n'est pas oublié dans le décours du quotidien. Des phrases comme "Si ça a fonctionné une fois, tu pourras vite retomber enceinte !", "Ca arrive à plein d'autres femmes", "Si ça m'arrivait, je ne pourrai pas survivre...", "Tu as de la chance, c'est arrivé tôt dans la grossesse, imagine si cela arrivait durant le dernier trimestre...", sont à bannir. Elles reflètent simplement la crainte d'être confronté personnellement à cette expérience, mais ne sont malheureusement ni bienveillantes ni soutenantes.

Quand la parole n'est pas aisée, de petites attentions comme une présence lors des démarches administratives auprès de la commune ou du funérarium, ou même une présence dans le quotidien (préparation de plats, s'occuper des autres enfants de la fratrie,...) sont appréciables.


Un second repère consiste en la compréhension du processus de deuil. Certains parents vont souhaiter mettre de côté l'expérience de deuil assez rapidement, et d'autres vont avoir besoin de temps, et de dialogue, afin de traverser ces moments. Le deuil d'un enfant peut prendre de quelques semaines à quelques années, et ces parcours sont normatifs. Le parcours de deuil d'une maman, ayant porté la vie, peut parfois être complexe avec un post-partum à vivre sans enfant, et avec un corps meurtri, mais le papa ou conjoint(e) ressent lui aussi des émotions et a également besoin d'être soutenu. Le deuil n'étant pas quelque chose de figé, chaque parent aura des besoins et des difficultés qui évolueront tout au long du cheminement de deuil. De ce fait, ignorer le décès de l'enfant peut être blessant, la reconnaissance de la perte étant d'un plus grand secours, même si cela consiste à apprivoiser l'impuissance, sans pouvoir donner de solutions.


Face à des parents endeuillés, il n'est pas toujours aisé de savoir comment aider, certains parents auront besoin de compagnie et de présence dans le quotidien, d'autres de reconnaissance du deuil en pouvant s'exprimer à ce propos, d'autres encore de quitter le quotidien et de s'évader lors d'un voyage, de célébrer le décès, d'avoir accès à des moments de relaxation et de bien-être,... Pour tous ces besoins, soyez simplement à l'écoute des parents endeuillés, et en fonction de ce qu'ils expriment ou ce que vous connaissez d'eux, proposez diverses pistes afin de pouvoir les aider au mieux. Tout en retenant qu'il faut mieux une maladresse qu'un oubli total et un isolement.


Et quand une nouvelle grossesse survient ?


L'entourage souhaite parfois que les parents repartent vers une nouvelle fondation de leur famille, et soient impliqués dans un nouveau projet de grossesse. De ce fait, une impatience peut parfois se faire sentir du côté des proches. A ce moment, il est primordial de laisser le couple annoncer la grossesse, ou son projet, quand bon leur semble, en étant présent de part des phrases telles que "On vous souhaite que tout se passe bien pour cette grossesse, nous sommes de tout cœur avec vous !". De ce fait, il peut y avoir du soutien sans négation de l'expérience de cette nouvelle grossesse, qui est une nouvelle aventure, parfois relativement angoissante. L'idée n'étant pas de parler du bébé décédé, mais de laisser la place au dialogue si les parents le souhaitent. Il peut être aussi important d'attendre que les parents expriment qu'ils sont à l'aise avec l'idée de recevoir de nouveaux cadeaux de naissance, car tous ne sont pas à l'aise d'en recevoir dès les premiers moments, surtout quand une grossesse précédente s'est soldée par un deuil...


En tant que parents endeuillés...


Comme dit précédemment, ce n'est pas parce que 2 parents vivent une expérience de deuil du même enfant et au même moment, qu'ils sont forcément prêts à partager le même cheminement. Dans un couple, l'un peut avoir besoin d'être soutenu via diverses actions, alors que l'autre peut avoir besoin d'être seul. Il n'y a donc pas de conseils privilégiés au sein du couple, si ce n'est d'accepter et d'appréhender le deuil de l'autre via divers angles. Parler du deuil au sein du couple peut permettre dans un premier temps de se sentir soutenu, cela peut se faire de manière orale ou via des écrits. L'idée n'étant pas de parler uniquement de l'enfant décédé, mais également de remercier son/sa partenaire pour ses attentions et sa présence lors de cette épreuve de vie. Cela peut sembler dérisoire, et pourtant, c'est une valeur inestimable en tant que co-parent. Sans même parler du deuil, passer des moments de qualité avec son/sa partenaire peut permettre de resserrer les liens et d'apprécier la présence de l'autre. Malgré que le corps de la maman soit mis à rude épreuve, une place doit être laissée au papa, qui peut lui aussi, profiter d'aides extérieures (parler à un professionnel de la santé, faire partie d'un groupe de deuil périnatal, recevoir un soin post-natal,...). Enfin, le sujet de la sexualité peut également être compliqué, car comme après tout parcours périnatal classique, la sexualité se met en pause pour une durée plus ou moins longue, et un retour à la sexualité peut être compliqué. Le retour à cette vie sexuelle peut se dérouler via un recours à un partage d'intimité (partager un bain ensemble, se masser ou se crémer le corps,...), tout cela étant très individualisé en fonction des couples et de leurs ressentis.

 

Où trouver des ressources aidantes ?


Pour ma part, je recommande grandement le site internet "Dans ces moments-là" . Imaginé et rédigé par Hélène Gérin, il offre de nombreuses ressources utilisables à la maison, mais également dans les centres de périnatalité. L'autrice met à disposition un document téléchargeable ci-dessous "130 idées pour soutenir des parents endeuillés", qui permettent en tant qu'entourage, d'être présent de manière adéquate durant le cheminement du deuil. Ces idées n'étant que des pistes, à sélectionner et imaginer en fonction des personnalités des parents endeuillés.


Quand la fratrie compte déjà d'autres enfants, je recommande grandement l'album "Je t'aimais déjà" d'Andrée-Anne Cy qui aborde le quotidien d'un enfant, attendant grandement la venue d'une petite soeur ou d'un petit frère, et qui finalement va revoir ses parents, après un détour à l'hôpital, sans bébé dans les bras mais avec une grande tristesse.


En présentiel, il existe également de multiples associations en Belgique qui permettent un soutien et un partage d'expériences aux parents endeuillés. On peut retrouver les services "Parents désenfantés" à Wavre, "Mikuzo" à Bruxelles, " ADP - L'Aide au deuil Périnatal" dans la province de Liège et "Groupe de parole Demain" à Ciney. Il existe également des psychologues et thérapeutes de la périnatalité, qui sont formés à l'accompagnement de parents durant la grossesse et durant les premières années de bébé, et qui peuvent offrir un soutien en cas de deuil périnatal.

 

Vous l'aurez sans doute remarqué, dans cet article, j'ai évoqué le deuil périnatal lorsque l'entourage est déjà au courant de la grossesse. Cela excluant, dans certains cas, le premier trimestre, étant encore considéré comme étant un trimestre duquel nous ne parlons pas. En effet, il est admis dans notre société, comme un passage finalement obligatoire, d'attendre la fin du premier trimestre pour annoncer sa grossesse. Ce temps permettant d'évoquer la grossesse lorsqu'elle a bien débuté et lorsque les premiers risques vitaux pour le foetus sont écartés. Mais qu'en est-il alors des parents qui font face à un deuil durant ce premier trimestre ? Cela fera l'objet d'un prochain article, restez connectés !


A bientôt au cabinet, Coleen Godart


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