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Les pratiques parentales autour du monde

Certains le savent, je m'intéresse beaucoup à l'anthropologie depuis mes études de psychologie, et je ne cesse d'agrémenter ma pratique de coups d’œil aux 4 coins du monde et dans des cultures différentes de celle dans laquelle je m’intègre, afin d'en apprendre plus sur le vivre ailleurs et les manières de faire d'autres cultures. Dans les manières de faire famille, il est intéressant de découvrir comment les parents d'ici et d'ailleurs envisagent la parentalité, le bien-être de l'enfant et ses besoins. Cet article vise à être une mise en bouche face à ces pratiques parentales alternatives.



Commençons près de chez nous, en Europe...


En effet, l'anthropologie ne se réalise pas toujours loin de chez nous. Nos pays voisins ont aussi à nous apprendre sur leurs manières d'envisager l'éducation et le bonheur de l'enfant !


Aux Pays-Bas, l'usage du vélo est promu dès l'enfance, et une personne sur 3, qu'importe son âge, aurait comme moyen de déplacement principal et/ou quotidien le vélo. Les idéaux d'autonomie et de bonne hygiène de vie prémunissant du surpoids et des problèmes de santé, mais également d'une meilleure concentration de part une activité physique régulière conduisent les parents à l'usage du vélo dès le plus jeune âge. Loin d'être inconscients des risques potentiels, un « verkeersdiploma » permet aux enfants de passer un permis de circulation à vélo.


Au Danemark, les parents souhaitent souvent que leurs enfants de 6 à 16 ans puissent suivre, une fois par semaine, un cours d'empathie, qui est dispensé par l'école. Grandissant avec des valeurs d'égalité et d'appartenance au groupe, le Danemark serait l'un des pays où les habitants sont le plus heureux. Les citoyens, dès le plus jeune âge, se sentent écouté, respecté et compris, ce qui améliore la santé psychique et conduit à moins de cas de harcèlement scolaire, professionnel et interpersonnel. L'enfant qui ne respecterait pas sa présence à ce cours, encourt des sanctions, comme cela peut être le cas pour les matières plus traditionnelles. Ce n'est donc pas un cours optionnel.


En Angleterre, premier pays à avoir théorisé la diversification alimentaire menée par l'enfant (DME), l'importance du choix de l'enfant dans son alimentation est fortement promue. En effet, au-delà de la motricité du corps et l'observation, les pratiques parentales visent à apprendre à l'enfant à faire des choix en fonction de son instinct et de sa satiété. L'enfant est donc à table, en même temps que le reste de la famille, ce qui permet de ne pas exclure ni réduire l'enfant à un être non mature avant qu'il ne puisse pleinement communiquer.


En Suède, dès le plus jeune âge, les parents vont prendre l'enfant pour l'emmener dehors, qu'importe le temps. Pour eux, « il n'y a pas de mauvais temps, seulement de mauvais vêtements ». Ils ont donc à coeur d'habiller l'enfant avec différentes couches de vêtements, à ajouter ou retirer en fonction de la température. Pour eux, les jeux en extérieur sont les jeux les pertinents pour le développement global de l'enfant.


Parcourons l'Asie...


Au Japon, le concept du dormir ensemble, s'étend bien plus que le cododo lorsque l'enfant est petit. En effet, les japonais ne conçoivent pas la chambre comme un espace conjugal, mais familial, pour que chacun puisse avoir le sommeil le plus apaisé et sécurisé possible, dans un même lit.


Au Bhoutan, la méditation en pleine conscience est enseignée dans les écoles, avec une technique particulière, traduite comme « le brossage du cerveau ». L'idée de cette technique est de permettre à l'enfant, au même titre que se brosser les dents pour la santé buccale, de se brosser le cerveau, en visualisant l'instant présent, afin que la santé mentale soit pérenne. L'idée étant que la santé mentale de l'enfant pourra l'amener à être un adulte excellent au niveau scolaire, mais également bien dans sa peau et altruiste envers autrui.


En Chine, dès les premières semaines de vie, les enfants portent des culottes fendues. En effet, il n'y a pas d'usage de lange, bien de consommation très cher dans ce pays et souvent rempli de produits polluants et irritants, mais d'une culotte, fendue au niveau des organes génitaux, afin que l'enfant puisse s'accroupir pour uriner ou déféquer. Quand l'enfant n'est pas en mesure de s'accroupir, le parent va simplement remarquer quand un besoin pressant se fait sentir, et conduire l'enfant au-dessus des toilettes ou du lavabo, le maintenir en position accroupie, pour qu'il puisse faire ses besoins, en toute autonomie. La continence des enfants arrive donc plus précocement, avant leur premier anniversaire.


En Inde, le massage est fortement utilisé chez les nouveaux nés, car ce serait vécu comme une manière douce de faciliter la transition entre le milieu utérin et le monde. Au-delà de cela, l'enfant pourrait s'approprier son corps plus précocement, et se sentir en sécurité, de part lui-même. Le massage est donc une pratique proposée régulièrement dans le quotidien de l'enfant.


Cap maintenant sur l'Amérique...


En Argentine, les jeunes enfants n'ont pas d'heure de coucher. En effet, les parents ont la ferme croyance qu'on ne peut pas contraindre un enfant à dormir s'il ne le souhaite pas. Le rythme scolaire est donc basé sur cela, la scolarité étant obligatoire à partir de 4 ans, afin de permettre dans les premières années de l'enfant, de se reposer en journée, si la nuit n'a pas été longue. Chez les adultes également, le rythme de vie conduit à réaliser le dernier repas de la journée à 22h, rassemblant toute la famille, et conduisant à une heure de coucher tardive.


Dans les premières nations canadiennes, il est obligatoire que l'enfant grandisse avec un attrape-rêves dans sa chambre. En effet, c'est un porte bonheur puissant qui retiendrait les cauchemars et mauvais esprits. Le placement de cet attrape—rêves est déterminant car pour qu'il fonctionne et puisse protéger l'enfant durant son sommeil, il doit être touché par les premiers rayons du soleil de la journée. Le sommeil de l'enfant est donc plus apaisé que dans d'autres pays du monde, où les cauchemars perdurent dans le temps.


Pour les peuples navajo des Etats-Unis, une cérémonie très importante doit avoir lieu durant la grossesse : la « blessing way ». Cette cérémonie doit être réalisée au 7ème mois de grossesse, et pourra être réalisée à nouveau lors de grands caps comme la puberté ou le mariage. Seules les femmes proches de la future mère doivent être présentes afin d'assurer un climat de bien-être et d'amour pour que l'accouchement et la vie de bébé se déroulent bien. Des chants, des prières et des rituels se déroulent pendant plusieurs heures afin de chasser les mauvais esprits, et permettre à la future maman d'entrer dans un rêve, dans lequel elle se charge des énergies positives qui l'entourent afin de se préparer à ce nouveau rôle. L'idée étant que « tout ce qui arrive ici sur Terre, doit d'abord être rêvé ».


En Afrique et au Moyen-Orient...


En Afrique subsaharienne, un proverbe bien connu connaît de nombreuses implications : « il faut un village pour élever un enfant ». Dans cette zone géographique, la famille est entendue comme étant la société dans son ensemble. Chaque enfant est donc la responsabilité de tout un groupe, qui va l'élever pour en faire un acteur de la société, tout en suivant les racines des anciens. La transmission de valeurs est donc une pratique éducative primordiale pour tout parent.


Au Kenya, le portage est fortement utilisé car répondant à une croyance bien implantée « les bébés africains ne pleurent pas, ou en tout cas, beaucoup moins que les autres ». L'idée étant que porter son enfant, dès sa naissance permet de conserver un contact physique avec ce dernier, même durant les phases de travail. L'enfant peut donc participer à la vie quotidienne, tout en étant surveillé, et en étant à proximité de sa mère pour l'alimentation et la sécurité affective, le conduisant à limiter ses pleurs.


En Turquie, il est commun que les écoles pratiquent un quart d'heure de lecture par jour, après le déjeuner. En effet, la croyance des parents étant que ce moment peut permettre à l'enfant de se créer une bulle, dans laquelle tout échec scolaire serait moins possible. Même à l'âge adulte, les éducateurs, professeurs,... se plient à l'exercice car cela permet de montrer l'exemple aux enfants les plus réfractaires à l'idée de lire en silence.


Dans les pays musulmans, recourir à l'allaitement est très commun. En effet, les communautés très religieuses du Maghreb considèrent que l'allaitement est un droit de l'enfant octroyé par Allah. La durée de l'allaitement peut donc s'étendre, à 2 ans voir 7 ans, mais le père reste co-décisionnaire du sevrage. Toutefois, la durée de l'allaitement sera différente entre fille et garçon ; c'est notamment le cas de manière très marquée pour les musulmans d'Inde qui sont moins favorables à un allaitement long pour les petits garçons. Une tradition spécifique est également liée à l'allaitement, celle du « tahnik » qui consiste avant la première tétée de l'enfant, de frotter son palais avec une substance sucrée (datte, miel ou sucre) afin de le préparer à l'allaitement ; cette tradition étant réalisée par une femme proche du nouveau né.


Partons maintenant vers le Pacifique...


En Nouvelle-Zélande, il est naturel pour bon nombre de parents de pratiquer l'accouchement à domicile (AAD). En effet, 90% des futures mères optent pour ce type d'accouchement afin de conserver un cocon pour la venue de l'enfant. Toutefois, les mères restent entourées car elles ne se refusent pas à un transfert hospitalier, si leur santé ou celle de l'enfant le nécessite. Ce projet de naissance s'est fortement répandu depuis des décennies, même au-delà de la Nouvelle-Zélande.


Pour le peuple Maoris, le baptême est un acte obligatoire qui se déroule juste après la naissance de l'enfant. En effet, cela permet de donner une identité à l'enfant et une place au sein de la tribu familiale. L'enfant est baptisé selon un rite bien précis : plongé dans l'eau sacrée ou aspergé de quelques gouttes à l'aide d'une branche trempée dans un ruisseau, la famille proche devant invoquer un ancêtre qui sera un totem pour l'enfant. Une déesse ou un dieu différent bénira fille et garçon, et les aînés observeront cette cérémonie afin de s'assurer que la protection a bien lieu.


En Polynésie française, le don d'enfant est régulier. Il ne s'agit pas d'abandon, mais plus d'un don lorsque plusieurs enfants font déjà partie de la famille, et qu'il ne sera pas possible de nourrir une personne de plus. Dans ce cas, l'enfant est donné à d'autres personnes, ce qui forme alors une famille étendue. L'enfant peut alors graviter entre ses parents biologiques et ses parents nourriciers. Au-delà des questions alimentaires, cela permet une solidarité entre les familles qui ne peuvent pas pour des questions de logistique, de fertilité,... avoir un enfant supplémentaire. Aucun document n'est demandé par l'état, c'est une tradition tout à fait informelle mais qui perdure.


En Australie, le cursus scolaire est relativement similaire au nôtre, mais les modes d'enseignement sont bien différents. En effet, les cours se terminent tôt, vers 15h maximum afin de permettre à l'enfant de faire des activités personnelles, d'éventuellement avoir un job étudiant,... Aucun devoir ou aucune évaluation n'est réalisée, l'acquisition des compétences se fait simplement via des exercices pratiques en classe ou via des QCM trimestriels. Les parents ont donc plus de temps pour s'impliquer, non pas dans les leçons des enfants, mais dans le comité scolaire qui organise chaque semaine, un rassemblement permettant de récompenser les élèves qui ont fait une bonne action, qui ont eu une attitude positive ou qui ont réalisé un exploit spécifique. Les relations professeurs-élèves-parents sont donc détendues, et tout le monde s'appelle par son prénom. Tout cela conduisant à une homogénéité des pratiques éducatives dans le foyer familial et en dehors.


 

Pourquoi s'intéresser à l'anthropologie des pratiques parentales ?


Comme vous avez pu le voir dans cet article, les parents du monde entier ont des croyances, rites et coutumes qui conduisent à croire que les enfants se développeront au mieux et seront les plus épanouis possible. Évidemment, chacun n'a pas des ressources égales, et cela demande une créativité pour permettre d'offrir à l'enfant un milieu enrichissant et épanouissant sur le long terme. A l'image de ces sociétés qui font de leur mieux, les parents de notre culture font également, souvent, de leur mieux pour tenter de comprendre l'enfant, de répondre à ses besoins, de l'éduquer, de l'informer,... Une rigidité dans les pratiques parentales n'étant pas forcément utilitaire, car comme vous le voyez, les manières de faire des autres parents du bout du monde permettent d'avoir des petits individus parfaitement en santé et bien intégré. Il est donc temps de déculpabiliser et de se dire, que vous aussi, vous pouvez vous inspirer d'autres cultures et d'autres modes de faire famille.


A bientôt au cabinet, Coleen Godart

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