Les mois de mars et d'avril sont consacrés à deux maladies touchant la santé gynécologique des femmes : l'endométriose et l'adénomyose. Qu'est-ce donc que ces maladies, et pourquoi en parler ? Cet article va répondre à vos questions !
L'endométriose
L'endométriose est une maladie liée à l'endomètre, la paroi utérine qui s'épaissit durant le cycle menstruel pour accueillir une éventuelle grossesse. En l'absence de fécondation, cette paroi va se désagréger et s'évacuer durant les menstruations. Mais en cas d'endométriose, les cellules endométriales s'épaississent de manière anarchique et se développent dans d'autres organes (ovaires, péritoine, rectum, côlon, intestin, vessie, ligaments, poumons,...). Ces cellules se transforment alors en adhérences, qui peuvent développer des kystes et des lieux de saignements, partout dans le corps, en fonction du cycle menstruel. La raison de tout ce processus reste encore flou... A ce jour, aucun facteur précis n'a pu être pointé du doigt. Par contre, les études scientifiques savent dire que toutes les femmes en âge de procréer, donc du commencement de leurs premières menstruations à leur ménopause, sont susceptibles de développer cette maladie.
L'endométriose peut prendre des formes différentes en fonction de la femme. En effet, le cycle menstruel étant déjà vécu de manière très différente d'une femme à l'autre, cette maladie suit la même règle... Sa gravité varie donc également d'une femme à l'autre, et est dépendant des cellules endométriales, de leurs nombres, de leurs emplacements et des dommages causés aux organes. Toutefois, une liste de symptômes peut vous indiquer qu'il est peut-être préférable de consulter afin de savoir si vous souffrez d'endométriose :
Douleurs pendant les règles
Douleurs pelviennes (dans le bas ventre)
Douleurs pendant l'émission de la miction ou de la défécation
Dyspareunies (douleurs durant les rapports sexuels)
Lombalgie et sciatique (douleurs dans le bas du dos, le bassin, le nombril jusqu'aux jambes)
Métrorragies (perte de sang en dehors de la période de règles)
Troubles digestifs et/ou urinaires
Fatigue chronique
Difficultés à procréer
L'adénomyose
L'adénomyose est souvent définie comme de l'endométriose interne à l'utérus. Ce qui veut dire qu'ici, il y a infiltration des cellules endométriales dans le myomètre, le muscle de la paroi utérine. A nouveau, aucune cause précise n'a pu être pointée du doigt, si ce n'est la surproduction d'oestrogènes qui va conduire à une sur-stimulation de l'endomètre, qui pourrait être liée à une prédisposition génétique, mais les recherches manquent encore pour tirer des conclusions viables sur ce point. Par contre, il est prouvé que diverses formes d'adénomyose peuvent être rencontrées : diffuse, focale, superficielle ou profonde. Seuls des examens médicaux spécifiques permettent de mettre en évidence la forme d'adénomyose dont peut souffrir une femme.
Une liste de symptômes peut indiquer qu'il est peut-être opportun de consulter :
Ménorragies (règles très abondantes et longues)
Métrorragies (perte de sang en dehors de la période de règles)
Dysménorrhées (douleurs liées au cycle menstruel, notamment durant l'ovulation)
Dyspareunies (douleurs durant les rapports sexuels)
Douleurs ou pesanteurs pelviennes (dans le bas ventre)
Troubles digestifs et/ou urinaires
Difficultés à procréer ou multiples fausses couches
Fatigue chronique
Le lien entre l'endométriose et l'adénomyose ?
Vous l'aurez compris, l'endométriose touche donc l'endomètre, alors que l'adénomyose touche le myomètre. C'est leur grande différence, comme vous pouvez le voir sur le schéma ci-dessous. Ces 2 maladies seraient cousines, étant donné qu'elles trouvent leurs origines sensiblement dans la même région de l'appareil génital féminin, et que toutes deux proviennent d'une prolifération anarchique de cellules endométriales.
Il est également important de signaler que l'endométriose et l'adénomyose ne sont pas toujours rencontrées ensemble. Certaines femmes peuvent souffrir d'endométriose, d'autres d'adénomyose, et d'autres encore de ces 2 maladies conjointement. L'intensité de la douleur et des symptômes n'est pas en fonction de la gravité ni de l’occurrence de ces 2 maladies, ce qui complique encore plus le dépistage...
L'impact de ces maladies sur le quotidien des femmes
Evidemment, les symptômes mentionnés ci-dessus vous ouvrent déjà à la complexité du quotidien des femmes qui vivent avec ces maladies. Dans cette partie de l'article, nous allons tenter d'entrer dans le quotidien des femmes qui souffrent de ces maladies, de manière indépendante ou concomitante. Il est également important de souligner que certaines femmes sont diagnostiquées suite à des examens gynécologiques ou d'imagerie, alors qu'elles ne ressentent pratiquement pas de symptômes. Dans ce cas, si aucun symptôme n'est présent, la femme peut vivre un quotidien ne prenant pas en compte les considérations ci-dessous...
L'endométriose et l'adénomyose peuvent conduire à des troubles des comportements alimentaires et des troubles anxieux car la douleur conduit les récepteurs à une sensibilité accrue. Ce qui peut conduire la femme à ressentir de plus en plus de douleur au cours de son parcours menstruel et des années, sans spécifiquement que la maladie ne s'aggrave, il y a une sensibilisation générale du système nerveux. Les anticipations de douleur à venir, le stress, le sentiment de solitude et d'être incomprise, les errances médicales peuvent conduire également à des risque de dépression accru. Ces manifestations psychiques dessinant un cercle vicieux car mettant à mal les ressources psychiques, rendant la perception de la douleur plus forte, cela agissant également sur la santé mentale,... A ce moment, des addictions peuvent survenir comme seuls moyens de gérer les inconforts expérimentés.
Au niveau professionnel, la fatigue chronique qu’entraîne ces maladies peut conduire à des baisses de productivité, des capacités de concentration ou de mémorisation limitées,... Un épuisement peut également advenir quand la femme doit prévoir le changement de ses protections hygiéniques, la moins grande capacité à se mouvoir à certains moments du cycle,... A ce stade, vous comprenez peut-être pourquoi la question du congé menstruel se pose au niveau sociétal et politique...
Au niveau des relations amoureuses, l'anxiété liée aux difficultés de procréation ou des deuils périnataux peuvent conduire à des disputes, des éloignements ou même des séparations. Si l'endométriose ou l'adénomyose conduit à beaucoup de symptômes, le quotidien du couple peut également être bouleversé dans ses projets. L'intimité et la sexualité peuvent également être grandement bouleversés quand des difficultés au niveau de l'estime du corps féminin, des inconforts et gonflements de certaines parties du corps, des difficultés de pénétration, des troubles de l'excitation sexuelle, des pratiques sexuelles inenvisageables,... sont présentes.
Le moment du diagnostic est également un moment clé. La femme, ayant souvent été incomprise durant des années, trouve enfin une explication à son vécu. Un apaisement peut se faire ressentir, mais il laissera la place à un deuil. Le deuil d'une éventuelle maternité, ou d'une facilité à devenir mère, même si des pistes peuvent être envisagées. Et surtout, le deuil de sa vie et de sa santé d'avant. Avant que le diagnostic ne tombe, la femme pense parfois être atteinte d'une maladie, mais savoir que cette maladie sera incurable, ou pourra être traitée dans certains cas mais pourra revenir de manière chronique, conduit à devoir dire au revoir à l'insouciance qui composait son existence jusqu'alors. Ce moment nécessite tout particulièrement un entourage bienveillant, qui pourra s'effacer aux moments qui le nécessitent, tout en étant présents au besoin.
Attention ! De manière volontaire, je n'ai pas souhaité intégrer dans cet article des manières de diminuer les symptômes ou des traitements chirurgicaux/médicaux car ils sont toujours à voir en fonction des locations des cellules endométriales, de la gravité des symptômes, et du corps de la femme qui en souffre. Seuls des professionnels de ces maladies peuvent vous conseiller de manière sûre. De la même manière, en fonction du parcours médical recommandé pour une femme, de nouveaux inconforts ou conforts peuvent alors apparaître...
Pourquoi cet article ?
En tant que femme, et encore plus en étant touchée par ces maladies, je voulais apporter ma pierre à l'édifice pour sensibiliser à ces maladies et en parler, afin de briser le tabou qui existe encore trop fortement autour de la douleur, des femmes, et de leurs cycles menstruels. Recevant énormément de femmes en consultations, j'essaie toujours de déconstruire les tabous pour se libérer d'un poids énorme, alors pourquoi ne pas le faire également par écrit ?!
Focus sur un témoignage...
« Dès mes premières règles, à 10 ans, j'ai expérimenté des menstruations abondantes, douloureuses et je redoutais cette période. J'ai grandi et expérimenté divers moyens contraceptifs, mais rien n'y faisait. Mon cycle était régulier, mais je sentais que quelque chose dans mon corps dysfonctionnait grandement... Dès que j'en parlais à un professionnel de santé, on me proposait d'utiliser d'autres protections périodiques et d'autres médications pour être plus à l'aise, mais je sentais que j'avais besoin de plus que cela... Je suis arrivée dans la vingtaine, 10 années après mes premières règles, en redoutant toujours ma période de menstruations, mais également d'autres moments de mon cycle. Je recherchais, de mois en mois, de nouveaux moyens de soulager cette douleur qui n'en finissait pas. J'étais douloureuse lors de l'ovulation, je ressentais une pesanteur dans le bas ventre quasiment quotidiennement, mon ventre grossissait et se durcissait en période de crise rendant mes activités sportives et sociales difficiles,... Chaque mois, la même rengaine : couchée sous une couette, bouillotte, tisane de framboisier, anti-douleurs mais les symptômes étaient bien présents et me semblaient être de plus en plus invalidants.
Au niveau de ma vie professionnelle, comment justifier qu'une semaine par mois, je fonctionne moins bien ? Qu'une semaine par mois, je dois superposer plusieurs couches de vêtements, de jour comme de nuit, car je sais qu'à tout moment, mes règles hémorragiques pourront tacher toutes les assises sur lesquelles je me pose ? Que je peux passer un temps certain aux toilettes sur une journée de travail ? Que je suis à fleur de peau, et pleure de plus en plus souvent, car la douleur me prend aux tripes, et je me demande si ma santé mentale est encore saine ?
Tous ces questionnements, de plus en plus présents m'ont poussé à me dire qu'une fois de plus, je ne savais pas quoi faire, mais j'avais besoin d'être entendue. Mon entourage était présent pour moi, mais de plus en plus, je me remettais en question, pourquoi n'étais-je pas capable de passer au-delà de cette douleur ? Étais-je une chochotte ? J'avais véritablement besoin d'être entendue et de savoir, une fois pour toute, ce qui conduisait à tous ces symptômes.
Dès le début du rendez-vous chez le spécialiste, je me suis sentie entendue, considérée et le diagnostic est tombé, à la vue des mes examens précédents, après à peine 10 minutes de consultation. J'ai accueilli la nouvelle, les larmes aux yeux et dans une étrange ambivalence : soulagée et apeurée. J'étais heureuse que mon compagnon soit présent car je prenais plus que jamais, la mesure de la maladie qui m'accompagnerait pour le reste de ma vie, car inopérable et incurable dans mon cas. La seule possibilité de me soulager m'a été exposée mais j'avoue avoir été dans un état de sidération, j'ai préféré prendre les prescriptions et rentrer chez moi, afin de réfléchir à tout cela à tête reposée, quand j'aurai à nouveau les ressources pour le faire... L'immense prise de conscience de la difficulté d'avoir un bébé, et surtout, du fait que si j'avais cette chance un jour, je l'exprimerais dès le début, sachant que la fausse couche est beaucoup plus répandue avec cette maladie, m'a broyé le cerveau et le coeur... J'avais au fond de moi toujours su que quelque chose dysfonctionnait et j'avais toujours eu une peur que je pensais irrationnelle pour ma fertilité mais finalement, tout cela avait un sens... Toutes ces considérations me donnaient le vertige, malgré que ce diagnostic signalait enfin la fin de l'errance médicale qui m'a suivi pendant 14 ans... A ce jour, je tente de prendre du recul face à la nouvelle, et je sais que ce parcours sera encore long. Petit à petit, je me réapproprie ce corps, un petit peu dysfonctionnel, mais qui a finalement à peu près toujours été comme ça. Je sais que j'ai énormément de chance de n'avoir que cette maladie, et qu'il y a bien plus grave. J'ai beaucoup de symptômes mais certaines sphères de ma vie quotidienne, notamment ma sexualité et une partie de mon cycle menstruel me permettent tout de même de vivre normalement. C'est vraiment ce qui me permet d'aller mieux, rapidement et plus aisément... Je sais qu'après la pluie, viendra le beau temps ! »
Afin de clôturer cet article, je souhaiterai simplement conseiller aux jeunes femmes et femmes, qui dès leur premières menstruations, ou au cours de leur parcours gynécologique, ont l'impression que quelque chose dysfonctionne, de consulter ! Consulter un médecin traitant, un gynécologue, une sage-femme, un spécialiste en périnéologie,.... Qu'importe, l'important, c'est que ce professionnel de santé puisse entendre les plaintes et ne les banalise pas. Trop de femmes subissent des symptômes lourds et invalidants durant des années sans obtenir de considération ni d'autres réponses que celle-ci « avoir ses règles, c'est normal, ça fait mal ». Avoir mal, ce n'est jamais normal, c'est au minimum signe que quelque chose d'inhabituel se déroule dans votre corps, sans spécialement de gravité. Mais si la douleur revient de manière récurrente et fréquente, il vaut mieux s'orienter vers la médecine, pour savoir ce qu'il en est. N'hésitez pas non plus, si vous pensez souffrir de ces maladies, ou êtes diagnostiquées, de prendre soin de vous, notamment via des accompagnements psychologiques, sexologiques ou médicaux doux (sophrologie, yoga,...) qui peuvent vous permettre de mieux vivre avec la maladie.
A bientôt au cabinet, Coleen Godart
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